Selon Statistique Canada, les PME comptent pour 92 pour cent de tous les emplois du secteur privé au Québec. Cette proportion dépasse quelque peu celle au Canada anglais et de loin celle des autres pays du G7, en particulier les États-Unis. La prédominance des PME dans l’emploi explique en grande partie la productivité et la rentabilité relativement basse des entreprises québécoises et leur capacité restreinte d’investissement dans le capital matériel et humain. En effet, la productivité de la main-d’œuvre est directement tributaire de l’investissement dans les techniques et les équipements les plus avancés. Les PME québécoises doivent lutter contre des concurrents profitant d’économies d’échelle élevées et permettant ainsi de rentabiliser plus facilement les investissements en R-D et en biens capitaux à la fine pointe de la technologie.
Les sondages de la BDC démontrent effectivement que les deux plus grands maux de tête des entrepreneurs et dirigeants de PME au Québec sont le manque de fonds pour mettre en œuvre leurs projets et la nécessité d’augmenter et d’assurer la rentabilité à long terme. Il est évident que l’un ne va pas sans l’autre. En somme, les PME sont le moteur des économies québécoise et canadienne, mais elles doivent se battre dans un environnement hostile dominé par des grandes entreprises jouissant d’importantes économies d’échelle et donc plus productives et rentables.
Aux impératifs de compétitivité, de productivité et de rentabilité, s’ajoute le besoin de faire concurrence aux grandes entreprises pour une main-d’œuvre de plus en plus rare et de plus en plus courtisée. L’attraction par la rémunération et les conditions de travail alléchantes ne date pas d’hier. Mais, en plus, certaines grandes boîtes technologiques commencent à offrir la possibilité aux employés de prendre des vacances illimitées ou de travailler une partie de leur temps rémunéré sur des projets qui leur tiennent à cœur. Les PME québécoises doivent donc non seulement se battre pour l’achalandage des clients, mais aussi pour les meilleurs employés et cadres.
Pour survivre et même prospérer dans ce milieu, les PME québécoises ont un avantage que les grandes entreprises n’ont pas. Ce qui, d’un côté peut être vue comme une faiblesse, de l’autre peut être perçue comme une force. Les grandes entreprises ont tendance à être lentes à changer de cap et sont souvent « déconnectées » de leurs clients, employés et partenaires d’affaires. Une PME peut substituer cohésion, rapidité, adaptabilité et agilité à la force brute d’une grande entreprise. Pour survivre et, même plus, prospérer, les PME québécoises doivent tirer avantage de leur petite taille. Les actionnaires des PME en sont très souvent les fondateurs en plus d’en être les dirigeants. S’ils savent diriger et mobiliser leurs équipes, leur esprit entrepreneurial peut se répandre à tous les échelons de l’entreprise et en affecter positivement la culture. Le dirigeant, qu’il soit fondateur, actionnaire ou cadre à l’emploi de ces derniers, peut, s’il le souhaite, connaître tous les employés de la boîte et apprécier leurs forces, faiblesses, talents et buts afin d’en soutirer la meilleure performance possible, tout en tirant profit de leur épanouissement personnel et de leur perfectionnement professionnel.
Le leadership exceptionnel et la mobilisation organisationnelle constituent donc les avantages concurrentiels fondamentales de la PME québécoise. Pour les exploiter, les entrepreneurs et dirigeants de PME doivent générer une mission valorisante et mobilisatrice et guider leurs équipes vers des sommets toujours plus hauts de qualité, de productivité et de rentabilité. Les entreprises dont les dirigeants savent insuffler l’esprit entrepreneurial et « mobiliser leurs troupes » autour d’objectifs collectifs rassembleurs, tout en prônant l’initiative individuelle, sont plus souples et rapides à exploiter les opportunités et se prémunir contre les menaces. Ceci permet d’augmenter la productivité à brève échéance sans nécessairement avoir à augmenter l’investissement à court terme dans les biens capitaux ; l’effet salutaire sur la rentabilité peut survenir rapidement. Les profits additionnels ainsi dégagés peuvent alors être dirigés vers l’accroissement de la rémunération et l’investissement dans le capital humain et le capital productif. L’entreprise devient alors plus attractive pour la main-d’œuvre et peut aussi améliorer sa productivité et donc sa rentabilité.
Deux illustrations démontrent le lien entre, d’un côté, leadership et mobilisation et, de l’autre, qualité, productivité et rentabilité. Dans le premier cas, un employé motivé qui connaît bien son rôle essentiel au sein de l’entreprise, et dont la direction cherche à stimuler l’initiative et le dévouement, sera plus apte à servir la clientèle avec respect, rapidité et professionnalisme. Par ailleurs, ce même employé, s’il comprend la nécessité d’économiser les précieuses ressources financières et matérielles de l’entreprise, sera plus apte à reconnaître les instances de gaspillage et d’inefficacité et de chercher à les éliminer ou les limiter, ou à tout le moins les signaler.
Dans le deuxième cas, un employé motivé et mobilisé comprend bien la vision et la mission de la direction. Il sait où elle veut amener l’entreprise. Par conséquent, cet employé pourra utiliser pleinement sa créativité et son initiative pour proposer des nouvelles idées aux dirigeants, surtout s’il sait que ces idées seront prisées et qu’il recevra reconnaissance et encouragement de ces derniers. Ces idées peuvent concerner des nouveaux produits, des nouveaux clients, des nouvelles techniques ou procédures de production ou de transformation, ou encore des idées pour partager l’information et les connaissances au sein de la boîte et donc d’augmenter la performance et la productivité. Ces idées peuvent nécessiter des investissements financiers, temporels ou matériels, mais pas nécessairement. Par exemple, une nouvelle façon de faire sur la ligne de production ou dans l’entrepôt peut entraîner des économies significatives et améliorer la qualité et la quantité des produits.
En fait, les biens d’équipement ne sont que la matérialisation des bonnes idées antérieures d’autres individus à l’extérieur de l’entreprise. Le dirigeant qui cherche à influencer les individus qu’il dirige et à les mobiliser en tant qu’équipe ou organisation peut transformer leurs relations au travail et aux objectifs de l’entreprise. Seul une minorité de grandes entreprises peuvent atteindre ce niveau de mobilisation et de passion—les Apple et Google de ce monde en sont des exemples—mais encore là, ce n’est qu’une phase passagère dans la vie de la grande entreprise, normalement activée par un leader inspirant, voire même charismatique. Tous ces principes sont à la portée des entrepreneurs et des dirigeants des PME québécoises ; il s’agit d’en voir la possibilité et la nécessité et d’avoir la volonté de faire les changements qui s’annoncent pour les mettre en application.
© Richard Martin